Le chien est un compagnon de tous les jours. Ses formidables capacités d’adaptation à nos rythmes de vie nous font souvent oublier combien il est une espèce différente de la nôtre. Pourquoi et comment éduquer son chien ? Il ne s’agit pas de le dompter, mais d’installer un climat d’écoute et de confiance où chacun trouve sa place et son rôle.
Que signifie éduquer son chien ?
Votre chien a besoin de repères pour s’adapter à un environnement où les codes sont spécifiques à une espèce qui n’est pas la sienne : celle des hommes. Il va devoir apprendre à accepter qu’on le touche, à accepter un collier, une laisse, à revenir vers vous lors d’une promenade, à rester calme dans un lieu inconnu, se contrôler dans le jeu, ne pas aboyer «inutilement», manger à heures fixes et pas n’importe quoi… Et même, à vivre avec le chat, les poules ou encore les chevaux du voisin ou les passants, les voitures dans la rue… Votre chien a besoin d’être guidé pour vivre dans cet univers qui n’est pas fait pour lui.
L’éducation canine n’est donc pas une méthode d’obéissance pour apprendre au chien le assis, couché, pas bouger, au pied… Éduquer votre chien est tout autre chose ! C’est lui permettre d’apprendre les repères nécessaires à sa vie quotidienne avec vous et dans notre société humaine, dans le respect de ses besoins et de son bien-être autant que du votre. Par exemple, en apprenant à votre chien qu’il doit s’arrêter sur un trottoir avec vous avant de traverser une route vous évite de devoir courir après votre chien qui aurait pu traverser la route devant des voitures. Et surtout cela met votre chien en sécurité en lui évitant de se faire renverser.
Comment fonctionne l’apprentissage chez le chien ?
L’apprentissage est une modification adaptative du comportement résultant de l’interaction de l’individu avec son milieu. L’apprentissage du chien correspond donc à la modification de son comportement à la suite d’expériences. Votre chien expérimente avec vous au quotidien et apprend tout le temps, en réfléchissant et en mémorisant ce qui est attendu de lui dans certaines situations. L’apprentissage met donc en œuvre, l’expérience, l’environnement et la mémoire.
Chez le chien, la mémoire est associative. Une association, c’est relier une situation, une odeur, une vision, une action,… à une émotion et une réaction. Les associations peuvent être positives ou négatives. Prenons un exemple. Vous promenez votre chien en laisse. Vous croisez un autre chien. Votre compagnon tire sur sa laisse pour se rapprocher. De votre côté, vous tirez également, mais à l’inverse pour éloigner votre chien de son congénère. La tension sur la laisse, la pression négative exercée sur son cou par le collier va engendrer une association négative avec le chien rencontré. La prochaine fois que vous croiserez un autre chien, votre chien aura probablement moins une approche curieuse et positive. Il gardera en mémoire l’association négative de la tension de la laisse et de la pression provocant un inconfort voire une douleur au niveau cervical. Il pourra alors se mettre à réagir négativement vis-à-vis de son congénère. Cet exemple est réducteur. Pour produire une association négative, le nombre de rencontres, le niveau de douleur et d’inconfort sont différents pour chaque individu.
Qu’est-ce qu’un apprentissage par conditionnement ?
Le conditionnement est un processus d’apprentissage qui permet l’acquisition de comportements. Il met en jeu des stimulations qui vont induire des réactions chez l’individu, réactions que l’on va favoriser ou non. Il existe deux types de conditionnement : le conditionnement répondant et le conditionnement opérant.
L’apprentissage par conditionnement répondant (Pavlov)
Encore appelé conditionnement de type I, ou pavlovien, il a été découvert par un médecin russe Ian Pavlov. Celui-ci étudiait la digestion chez le chien quand il s’est rendu compte que les animaux commençaient à saliver avant de recevoir leur nourriture. La simple odeur, la simple vue de la nourriture, et même la simple vue de la gamelle suffisait à faire saliver les chiens. Le chercheur s’est alors mis à sonner une cloche avant chaque repas. Après quelques répétitions, l’association « son de cloche » et « nourriture » se met en place. Il n’avait même plus besoin de sortir de la nourriture, le chien se mettait à saliver au simple son de la cloche ! Le conditionnement classique fonctionne donc de la manière suivante : on associe une stimulation neutre (le son de cloche) à une stimulation inconditionnelle (la distribution de nourriture). La stimulation inconditionnelle va déclencher une réponse inconditionnelle (la salivation est une réponse réflexe). Après le conditionnement, la stimulation neutre devient une stimulation conditionnelle puisqu’elle déclenche à elle seule la réponse qui devient ainsi conditionnée. Le son de cloche, initialement sans effet, déclenche à lui seul la salivation.
L’apprentissage par conditionnement opérant (Skinner)
L’apprentissage par conditionnement opérant également appelé conditionnement de type II, instrumental ou skinnerien a été découvert par le psychologue américain Skinner. Nous apprenons à partir des conséquences de nos comportements sur l’environnement. Ce qui signifie que les conséquences de nos comportements ou ceux des chiens modifient leur fréquence d’apparition dans le futur. Cette fréquence va augmenter si les conséquences sont appétitives (on parle de renforcement), et elle diminue si les conséquences sont aversives (on parle alors de punition). Pour le dire autrement, la cause d’un comportement, c’est sa conséquence.
A la la différence du conditionnement répondant où le chien apprend uniquement par association, le conditionnement opérant est un apprentissage par essai et erreur. Le chien va apprendre en faisant ses propres choix : si un comportement est renforcé, la probabilité de le voir réapparaître augmente. Et inversement, lorsqu’un comportement n’amène aucun bénéfice, alors il va tendre à disparaître (c’est la loi de l’extinction). Par exemple, en donnant une friandise à votre chien quand il revient vers vous au rappel, vous renforcez son comportement de retour vers vous. Par contre si vous le punissez, le grondez parce que, par exemple, vous estimez qu’il n’est pas revenu vers vous assez vite, il y a fort à parier qu’il finisse par ne plus revenir à votre appel.
Le conditionnement opérant : renforcement et punition ?
Le conditionnement opérant repose sur deux éléments : le renforcement et la punition, qui peuvent être soit positif soit négatif. Positif veut dire que l’on rajoute quelque chose, et négatif signifie que l’on enlève quelque chose. Ci-dessous une illustration du conditionnement opérant avec l’apprentissage de la position assise.
Renforcement positif
La probabilité de fréquence d’apparition d’un comportement tend à augmenter suite à l’ajout d’un stimulus appétitif.
Vous présentez une friandise devant la truffe de votre chien, puis vous la remonter entre ses yeux. Cela va provoquer la position assise de votre chien qui va suivre la friandise. Vous allez renforcer la position obtenue en donnant la friandise à l’instant où votre chien pose ses fesses au sol en accompagnant le renforcement par le contact comme une caresse sur son poitrail.
Renforcement négatif
La probabilité de fréquence d’apparition d’un comportement tend à augmenter suite au retrait d’un stimulus aversif.
Vous allez par exemple utiliser le collier et la laisse de votre chien. Vous tirez sur la laisse, le collier en exerçant une pression sur son train arrière dans le même temps pour obliger votre chien à prendre la position. Quand votre chien prend la position, vous enlevez la pression sur le collier et le train arrière.
Punition positive
La probabilité de fréquence d’apparition d’un comportement tend à diminuer suite à l’ajout d’un stimulus aversif.
Vous demandez un assis à votre chien. Il ne le fait pas ou bien il prend une autre position, il se couche, se met sur le dos, reste debout, …. Vous le punissez en tirant sur le collier, en appuyant brutalement sur son train arrière, en criant, en le redressant brutalement s’il s’est couché….. Vous le sanctionnez en ajoutant des mouvements désagréables, douloureux, une voix en colère,… stimulus aversif.
Punition négative
La probabilité de fréquence d’apparition d’un comportement tend à augmenter suite au retrait d’un stimulus appétitif.
Vous demandez la position assise à votre chien comme en renforcement positif. Mais votre chien ne prend pas la position. Vous ne lui donnez pas la friandise, vous ne le caressez pas sur le poitrail. Votre chien est ainsi puni par le retrait d’un stimulus appétitif.
Cette illustration montre les deux principales méthodes d’éducation en conditionnement opérant : les méthodes coercitives et les méthodes positives encore dites bienveillantes ou coopératives.
Les méthodes coercitives : un rapport de force pour obtenir l’obéissance du chien
Les méthodes éducatives coercitives sont des méthodes aversives basées sur la réprimande et les sensations désagréables. Elles prennent appui sur une relation de toute puissance de l’humain envers le chien. Le « maître » utilise un modèle agressif, des méthodes punitives, des techniques et des outils de contraintes et de menaces pour obtenir la « soumission » et l’obéissance du chien. Le chien s’exécute. Il obéit par peur, pour éviter la douleur physique et/ou psychique. Le chien va associer son comportement à une conséquence désagréable, il le corrigera, probablement, pour ne plus avoir à vivre une expérience douloureuse et négative.
Les conséquences physiques et psychologiques de ces méthodes sont dévastatrices. Des accessoires répressifs comme les colliers étrangleurs peuvent provoquer des lésions. Les colliers électriques, sans compter la douleur immédiate, provoquent des brûlures et plaies.
Ces répercussions physiques sont terribles, elles ne sont rien comparativement aux traumatismes psychologiques engendrés. En effet, punir renvoie à une forme de domination, de rapport de force, de conflit. Penser simplement punition va empêcher toute communication fiable. Le chien est avant tout un pacifiste et toute punition ne pourra que limiter considérablement sa relation avec nous ainsi que sa compréhension. Le chien va estimer que l’humain n’est pas fiable, brutal et va tendre dès lors à s’en méfier. Il peut anticiper la punition et chercher à s’y soustraire par la fuite, l’agression préventive,… Il peut également élaborer une stratégie du « pas vu, pas pris », c’est-à-dire reproduire le comportement dès que le maître a le dos tourné, voire ne plus savoir quoi faire : on parle alors d’état de détresse acquise.
Les méthodes positives : la compréhension pour établir une relation de confiance réciproque
Les méthodes éducatives positives, aussi dites coopératives ou bienveillantes utilisent principalement le renforcement positif. L’éducation en renforcement positif, par opposition à l’éducation coercitive, s’appuie sur l’art de demander au chien et non de le commander ou de le dominer, en récompensant ses comportements, en construisant une relation de confiance mutuelle. C’est-à-dire que l’on va récompenser et encourager tous les « bons » comportements afin que ceux-ci se reproduisent et que le chien finisse par agir non pas par obligation, mais volontairement parce qu’il y trouve un bénéfice. Cela ne se résume pas simplement à donner une friandise négligemment, n’importe quand, n’importe comment, ou à dire un « c’est bien ! » de temps en temps et de manière désaffectée ou bien encore à tapoter négligemment son chien sur l’encolure. Le renforcement est le corollaire du bénéfice. En renforçant régulièrement le comportement adapté, votre chien vous écoute par envie, il trouve son intérêt. Sa réponse à vos demandes est plus volontaire parce que motivée par des conséquences agréables.
Le chien est un animal hédoniste, le plaisir est le but de sa vie. Il adopte des comportements qui lui apportent une réponse agréable, un bénéfice…. Les facteurs de motivation à utiliser en éducation doivent renvoyer à cette notion de plaisir. En effet, pourquoi adopter un comportement qui ne procure aucun bénéfice ?
Un exemple avec le rappel : en promenade, vous rappelez votre chien, vous renforcez effectivement ce comportement attendu par une friandise, mais ensuite à chaque fois vous le rattachez. Qu’est-ce que le chien comprend ? À chaque fois que l’on me rappelle, je perds ma liberté. Au fur et à mesure votre chien ne voit pas de motivation à revenir vers vous. Montrer au chien que le rappel ce n’est pas uniquement être rattaché, c’est par exemple être rappelé et laissé en liberté pour retourner jouer, se balader, c’est aussi faire une partie de jeu avec son maître…
En conclusion, éduquer votre chien signifie l’observer et apprendre à décoder son langage.
C’est lui donner envie d’interagir avec vous, comprendre ses besoins et les respecter, trouver des compromis entre votre rythme de vie et le sien, savoir ce dont il a envie, reconnaître ce qu’il souhaite vous transmettre… et devenir son référent. C’est également être patient, car l’apprentissage passe par la bienveillance, le calme, la cohérence et la constance. Et s’il nous semble souvent évident que le chien doit respecter son maître, l’inverse est tout autant indispensable. Cela nécessite de construire une relation fondée sur la coopération et non sur la domination. La coopération se fait dans les deux sens et demande de faire plaisir à votre chien dans ce qu’il aime.